L’avortement en Europe: un droit en progression… mais aussi menacé
En Europe, le droit à l’avortement connaît des évolutions contrastées. Certains pays avancent vers une reconnaissance pleine et entière du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). D’autres, au contraire, orchestrent un retour en arrière inquiétant sous l’influence de pressions religieuses, de stratégies conservatrices et de politiques natalistes. Ces restrictions menacent directement la santé, l’autonomie et la vie des femmes.
Au début du 21e siècle, l’espoir était grand: de nombreux pays légalisaient l’IVG et la tendance semblait positive. Mais aujourd’hui, force est de constater que le droit à l’avortement recule dans plusieurs pays européens.
Des attaques contre le droit à l’IVG
Depuis la création de la plateforme Abortion Right par le Centre d’Action Laïque en 2011, de nombreuses alertes ont été lancées. Partout en Europe, des mesures limitent l’accès à l’avortement, parfois de façon insidieuse. Ces entraves portent atteinte à la liberté, à l’intégrité et au droit fondamental à la vie des femmes. Une telle situation est inacceptable au sein de l’Union européenne, dont la Charte des droits fondamentaux proclame l’égalité entre les citoyennes et citoyens.
Le choc du recul mondial
En juin 2022, la décision de la Cour suprême des États-Unis de supprimer la protection fédérale du droit à l’avortement a eu un impact mondial. Depuis, plusieurs États américains ont interdit ou restreint drastiquement l’IVG, y compris en cas de viol, d’inceste ou de malformation grave du fœtus. Depuis sa réélection en 2024, Donald Trump a renforcé les restrictions à l’IVG aux États-Unis : suppression des protections liées à l’usage des données personnelles des femmes ayant recours à l’IVG, limitation d’accès à la contraception d’urgence, fin des financements publics de l’avortement à l’étranger et participation à une coalition internationale anti-IVG. Résultat: près d’une Américaine sur trois vit désormais dans un État où l’accès à l’avortement est gravement restreint.
Ces reculs rappellent que le droit à l’avortement n’est jamais acquis et que l’Europe doit urgemment agir pour protéger ce droit.
L’IVG encore restreinte en Europe
Sur le continent, les restrictions persistent:
- Andorre et Liechtenstein interdisent totalement l’avortement.
- Malte n’autorise l’IVG qu’en cas de danger vital pour la femme.
- En Pologne, la quasi-interdiction de l’avortement a déjà entraîné le décès de plusieurs femmes, dont des mères de famille.
- En Hongrie, les femmes doivent écouter les battements de cœur du fœtus avant de pouvoir avorter.
- En Italie et en Espagne, la montée des forces conservatrices et d’extrême droite fragilise les acquis.
- D’autres pays comme la Croatie, la Lettonie, la Roumanie ou la Bulgarie subissent une influence religieuse forte qui pèse sur les législations.
Cette vague de restrictions s’appuie sur des discours religieux et anti-choix, dans la droite ligne du pape François qui, en 2024 avait comparé les médecins pratiquant l’avortement à des « tueurs à gages ». Ces discours renforcent la stigmatisation de l’IVG et criminalisent les femmes ainsi que les soignant·e·s qui les prennent en charge.
Criminalisation: un danger pour la santé
La criminalisation de l’avortement met sévèrement en danger la santé publique.
Les professionnel·les de santé sont dissuadés d’appliquer de bonnes pratiques médicales, de peur de sanctions. Cela inclut: les avortements médicaux nécessaires pour protéger la santé ou la vie de la femme, la prise en charge de fausses couches incomplètes, ou encore la prescription de pilules abortives. Le manque de clarté des lois, qui ne définissent pas clairement les cas de dépénalisation, accroît cette insécurité juridique. Résultat : de nombreux médecins refusent d’intervenir, même en urgence, par peur de perdre leur droit d’exercer ou d’être condamnés.
Les femmes meurent faute de soins appropriés, parfois sous les yeux de médecins impuissants. D’autres sont contraintes de recourir à des avortements clandestins, dangereux et traumatisants. La criminalisation a aussi un effet dissuasif: par peur d’être jugées ou poursuivies, des femmes n’osent pas consulter un médecin en cas de complications liées à une grossesse ou à une fausse couche, ce qui accroît les risques pour leur santé.
Les crises économiques, sanitaires et environnementales accentuent encore la vulnérabilité des femmes. Fermetures de centres IVG, délais d’attente plus longs, manque d’accès à l’information fiable: tout concourt à rendre l’avortement plus difficile, en particulier pour les femmes les plus précaires ou isolées.
Limiter l’accès à l’avortement revient à nier l’autonomie sexuelle et reproductive des femmes. Ces entraves traduisent un sexisme institutionnalisé, qui considère le corps des femmes comme un objet de contrôle et un instrument au service de la natalité. Elles doivent être combattues, car elles renforcent les inégalités et l’injustice.
Des pays moteurs pour le droit à l’avortement
Heureusement, plusieurs pays européens montrent l’exemple. La France a inscrit la liberté de recourir à l’IVG dans sa Constitution et a, à plusieurs reprises, élargi l’accès à l’avortement sur son territoire. Le Danemark, la Suède, le Luxembourg et les Pays-Bas garantissent un accès large et sécurisé à l’avortement. Ces choix politiques démontrent qu’une approche respectueuse des droits humains est possible.
En avril 2024, le Parlement européen a adopté une résolution appelant à inclure le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Il est impératif que ce cette résolution soit mise en œuvre pour protéger ce droit partout sur le territoire de l’Union européenne.